J’ai organisé mon tout premier
concert lorsque j’étais en première candi et, depuis, j’ai dû en
organiser plusieurs centaines – je n’étais pas tout seul - ,
avec toujours le même plaisir du partage et des rencontres mais
aussi avec le regret (le complexe ?) de ne pas être musicien
moi-même
J’affirme ici que les musiciens de
blues et de jazz sont des gens très fréquentables. Ils sont
passionnés, globe-trotters infatigables, curieux de tout, et pour la
plupart d’entre eux, dotés d’un solide sens de l’humour.
Fin des années quatre-vingts, avec une
petite centaine de copains/pines (c’est la dernière fois que je
fais usage de l’écriture inclusive, promis !), j’ai mis
sur pied un festival de blues qui eut son heure de gloire, le Blues
Rock Festival d’Houthem, avec des têtes d’affiche
prestigieuses : Robben Ford Dr Feelgood, Rufus Thomas, Otis Grand, Alvin Lee, entre autres !
En 1997, nous avons décidé de mettre
fin à cette belle aventure.
Les financements devenaient plus
compliqués ; les cigarettiers jusque là fort généreux ne pouvaient plus sponsoriser les
événements musicaux.
Bref, notre comité ne voulait pas
connaître le déshonneur d’une déconfiture de l’ASBL.
Il est vrai que nous étions entretemps
devenus des notables de province bien installés (on ne disait pas
encore « bobos » à l’époque ...) et qu’il
eût été hautement préjudiciable à notre (bonne) réputation de
ne pas honorer nos créanciers.
Avec les quelques sous qui lui
restaient, notre ASBL continua à organiser bon an mal an des
concerts « juste pour nous faire plaisir ».
Bj Scott (elle ne sévissait pas
encore dans une infâme émission de télé crochet), El Fish,
Big Dave, Dany Klein, Arno, Memo Gonsales, Gatemouth Brown, The
Yardbirds ( !), … ont notamment fait la joie des retrouvailles
annuelles des bénévoles de la glorieuse époque du Bues Rock
Festival.
En 2012, nous décidons de reprendre
des activités musicales plus resserrées, au rythme d’un concert
par mois.
Notre association modifie sa raison
sociale ; elle devient « ASBL OPEN MUSIC » et a pour ambition d’inviter régulièrement des musiciens de jazz.
Du jazz, au sens large, « open
music ».
Nous pensons en effet que de Louis
Amstrong à Eric Truffaz (ou Ambrose Akinmusire ou Ibrahim Malouf ou
Avishai Cohen…, pour ne prendre que des trompettistes d’aujourd’hui), il y a
toutes sortes de rythmes et de notes bleues, il y a tant de chants,
de vibrations, tant de swing, de groove, de cool attitude(s), de
bebop, de hardbop, de jazz-rock, de free, d’électro, tant de
chagrins et de joie exprimés, d’exaltations et d’extases, qu’il
serait dommage de nous en priver et de nous cantonner à un seul
format de jazz.
C’est un lieu commun – et je
l’assume – que de rappeler que le jazz est avant tout la musique
de la liberté, de l’impro, de la révolution toujours à faire, la
bande-son de toutes les libérations.
Non, le jazz ce n’est pas seulement
de la (très bonne) musique, c’est aussi une manière de penser et
de vivre
A ce jour, nous avons organisé une
soixantaine de concerts dans différentes salles de l’entité
cominoise.
Notre public est non seulement très
réceptif mais aussi très fidèle (en moyenne 100 personnes par
concert, ce qui constitue, en jazz/club, un record d’affluence en
Fédération Wallonie-Bruxelles).
Je vous concède bien volontiers que ce
que je vous ai narré de la vie d’une association « organisatrice
de concerts de jazz et de blues et autres bonnes musiques »
n’a rien de bien original.
Sachez cependant qu’à côté de
l’ASBL OPEN MUSIC, nous avons lancé récemment une société
coopérative pour acquérir un immeuble sur la Grand’place de COMINES (B) et
l’aménager en véritable club de jazz.
En quelques mois, nous avons réuni
près de 500.000 euros (les copains et les copines, voir supra
…) ; le permis de construire a été obtenu et les travaux
commencent « incessamment sous peu » pour transformer une
ancienne boîte de nuit en club de jazz (pour une jauge de 150
personnes) avec scène, piano à queue, une mezzanine « horeca »,
un espace livres/cd’s, un studio pour les musiciens au 2e
étage, le tout dans un décor postindustriel et sympa à Comines, entre Vlaanderen et la métropole lilloise.
Je ne peux pas m’empêcher ici de
vous recommander la lecture de « Monk » (Laurent De Wilde), qui nous entretient notamment de l’impérieuse
nécessité de maintenir la tradition des clubs de jazz.
« Quand on est musicien, il y a beaucoup de choses que l’on n’apprend que sur scène (…). Le piano du club peut être affreusement faux sur une octave, il faut aller chercher ailleurs sur le clavier une expression satisfaisante (…).
Un mauvais dîner absorbé à la hâte affecte l’humeur du trompettiste qui saute une ligne dans l’énoncé du thème.
Le batteur, détourné un instant de son jeu par le sourire d’une fille, perd un temps et se met à l’envers (…)
(…) Quand on est un jeune musicien, avec des idées précises et nouvelles sur le jazz, il est impératif de trouver un club où il sera possible de jouer régulièrement et qui servira de laboratoire (…)
Voilà pourquoi les clubs de jazz ont joué un rôle tellement important dans le développement de cette musique et pourquoi il me semble préférable d’aller écouter des musiciens dans ce cadre plutôt qu’en concert où leur prestation perdra un peu de cette spontanéité si essentielle. »(…)
Ce sera le début
d’une nouvelle aventure, culturelle, communautaire, un brin
utopique … de quelques cinglés qui, à Comines-Warneton, au bout
du bout de la Wallonie, se relaieront tous les week-ends pour faire
tourner la boîte parce qu’ils pensent encore et toujours que la
musique adoucit les mœurs et que le jazz, open music, libère les
esprits et encourage les énergies positives.
Avec la volonté
de partager leurs valeurs avec le plus grand nombre, et, grâce à
cette modeste contribution dans le « Journal des avocats »,
avec des avocats qui pensent avec Boris Vian que, sans le jazz, la
vie serait une erreur …
That’s all,
folks !
Jean-Jacques
VANDENBROUCKE,
Ancien bâtonnier
– Barreau de TOURNAI,
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